Dès l’antiquité grecque, Aristote interroge le lien possible entre création, expression du Génie et une forme de trouble psychique, appelée « bile noire », locution étymologique de la Mélancolie.
Si au Moyen-age, ce trouble nommé Acedia semble totalement disqualifié, on le retrouve à nouveau associé à l’idée de Génie à la Renaissance.
La question des relations entre art et folie occupe l’humanité depuis toujours. Les artistes de l’âge classique s’y sont intéressés cycliquement, de façon inégale selon les pays (par ex. la Renaissance du nord avec Bosch ou Brueghel) et toujours du point de vue de la raison.
Au XIXème siècle avec l’instauration de la la psychiatrie, la relation change et les artistes commencent à exprimer leur malaise intérieure, voir leur propre folie. Dans les asiles psychiatriques, on s’intéresse aux productions des malades.
Jérôme Bosch, détail du Portement de croix
Aujourd’hui l’Art brut est en vogue, parce que la tendance est à déhiérarchiser le monde de l’art en l’ouvrant à des auteurs autodidactes. Pour autant, il ne faut pas oublier les origines pathologiques de cette catégorie esthétique complexe.
Le terme, inventé en 1945 par Jean Dubuffet, désigne les productions d’artistes réalisant des œuvres en dehors des circuits de création habituelle et vivant généralement en situation de claustration, comme les asiles psychiatriques ou les prisons. Il évolue rapidement, se confondant au fil du temps avec la désignation récente d’Art singulier, ou la catégorie plus ancienne Art naïf ou populaire.
Si tous ces artistes étaient à l’origine indemnes de culture artistique, habités par leur seul désir de créer, cet aspect tend aujourd’hui à s’estomper, ce qui complexifie le regard porté sur les œuvres.
Une œuvre d’Adolf Wölfli dans la collection de Jean Dubuffet
La schizophrénie est un désordre émotif et mental qui provoque souvent une déconnexion du monde réel et se manifeste par des épisodes psychotiques. Même si la connaissance est de plus en plus traitée par les média, le cinéma ou la littérature, elle reste abordée souvent de façon trop réductrice, sous l’angle unique du dédoublement pathologique de la personnalité. Parmi les moyens qui aident les personnes atteintes de ce mal, en parallèle de la médication et de la psychothérapie, l’activité artistique est souvent l’un des facteurs qui soulage la souffrance.
L’art des schizophrènes est riche en symboles et images recouvrant des significations très profondes et formant un langage archaïque aux racines universelles ; les formes produites sont très souvent tout à fait comparables aux oeuvres d’artistes renommés.
Depuis Adolf Wölfli et Aloïse au début du siècle, et de nombreux autres malades découverts par le docteur Hans Prinzhorn dans les années 1920, les artistes-schizophrènes aujourd’hui ne cessent de produire des œuvres fascinantes, qui interrogent le processus créatif et posent des questions à « l’autre art du côté de la raison ».
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